• L'héritage de l'Azur : Chapitre XVI

     Lorsqu'un matin dans les montagnes les plus hautes de ce monde, la petite Naïta quitte la légendaire cité des nuages pour rencontrer son avenir à la pointe du Destin, elle voit venir beaucoup plus qu'une enfant comme elle aurait pu espérer. Mais est-ce le cadeau d'une vie, ou la pire des malédictions qui se présente à elle ce jour là?

        

    L'héritage de l'Azur ©

     

    Il faisait un froid glacial dans la caverne. Des petites plaques de givre couvraient l’écharpe que Naïta avait enroulée autour de sa tête et la glace s’était formée devant sa bouche pendant la nuit. La fillette était transie, recroquevillée dans le boyau de roche qui était devenu son nid depuis plusieurs heures, plusieurs jours. Combien elle l’ignorait. L’obscurité permanente, l’absence de lumière lui avait retiré toute notion du temps. Elle n’aurait su dire si il faisait nuit dehors ou si le soleil était déjà levé. La faim tiraillait son ventre. Sa blessure était refermée en un amas de croûte de sang séché, gelé, se craquelant à chaque mouvement de ses doigts et lui infligeant chaque fois presque autant de douleur que la lame qui l’avait méchamment ouverte.

    Elle se sentait pleine de vermine malgré le froid. Ses cheveux, même courts désormais, étaient collés en paquets noueux, mêlant terre, sang et sueur sur son front et ses tempes. La peau de ses joues tiraillait, prête à se fendiller comme une couche d’argile trop sèche, lui rappelant cruellement les larmes qu’elle y avait versée. Ses yeux étaient encore brûlants de rage et de désespoir. Elle revoyait encore le regard du Chaman, approchant, la dague au poing pour lui ouvrir la paume et la faire hurler de douleur. Naïta en serra les dents. Ce souvenir resterait gravé en elle. Cette trahison était marquée pour toujours dans sa chaire et elle se surprenait à songer qu’elle aurait préféré être morte plutôt que de souffrir encore pour mourir malgré tout, mais plus tard, lentement, seule et dépossédée d’elle-même. Ses lèvres gercées s’ouvraient tout juste, sous peine de saigner. Que n’aurait-elle donné pour un peu d’eau et une noix de graisse de laine pour apaiser les brûlures du froid.

    De l’eau. Elle avait tant besoin de boire ! Où qu’elle se trouve dans la montagne, elle était persuadée que l’Azur l’avait emportée très haut. Si elle parvenait à se risquer au dehors, sans doute pouvait-elle espérer trouver un peu de neige pour étancher sa soif. Elle avait déjà recueilli sur sa langue le givre que son souffle avait déposé sur la laine de son vêtement. Mais ce n’était que quelques gouttes. Peu à peu, elle s’éveillait doucement, tentait de maîtriser sa respiration comme elle l’avait appris, tout en se concentrant sur les sons qui provenaient de la caverne. Avait-elle été si loin dans le creux de se boyau de terre et de roche lugubre où elle s’était tortillée comme un lombric pour échapper aux griffes du monstre ? Sans doute, car elle ne percevait pas grand-chose. Hormis un léger clapotis très lointain, elle avait la sensation d’être prise au piège à des lieues sous terre. Déjà enterrée, déjà morte.

    Pourtant, un petit souffle d’air parvenait jusqu’à elle et elle l’inspira. Le monstre n’était pas là. Mais il ne tarderait sans doute pas. Lentement elle se mit à remuer un muscle après l’autre, puis un membre. Une main, une jambe, la nuque, s’obligeant à grelotter pour réchauffer son corps. Alors seulement, elle rampa, pouce par pouce vers la sortie de son misérable terrier. La progression était une souffrance. En se traînant de la sorte, il lui semblait qu’elle laissait à chaque avancée un morceau de son corps, se décomposant, s’abandonnant dans les ténèbres. Toutes les parcelles de sa peau paraissaient piquées au fer rouge à chaque mouvement.

    Elle aurait voulu s’arrêter, rester là, s’endormir et oublier jusqu’à l’origine du mal qui la rongeait et qui l’avait amenée ici. Le médaillon de cinabre l’avait quittée. Il était perdu et sans lui elle se mourait. Aucune pierre de prière n’était là pour l’aider à se soigner. Elle était seule dans l’antre de l’Azur, blessée, transie de froid et presque morte de faim.

    Faim ! Oui, elle avait faim et soif. Et bon sang, s’il lui restait assez de force pour s'extraire de son trou de souris dur et glacé, elle devait passer outre la douleur de ses membres souffrants. Elle n’avait pas survécu à tout ce qui s’était abattu sur elle pour trépasser aussi misérablement ! Elle se remit à ramper en gémissant, sentant le filet d’air devenir plus vif. Après s’être encore traînée un temps qui lui parut infini, elle entrevit la sortie du boyau et s’agrippa aux parois pour se glisser sur le sol de la caverne.

    Elle y entra comme dans un nouveau monde, une seconde naissance, extirpée du ventre de la Terre, les yeux à peine ouverts et tremblante comme un nourrisson qui vient de voir le jour. Pour un peu elle en aurait crié son soulagement. Combien de temps avait-elle passé dans ce trou ? Les geôles du temple étaient un regret au regard de ce qu’elle quittait enfin. Cependant il ne fallait pas être trop regardante. Peut-être n’aurait-elle d’autre choix que de s’y engouffrer de nouveau si la bête revenait à l’improviste ! Et d’ailleurs, il ne fallait pas perdre de temps.

    Naïta roula sur le côté et se redressa à quatre pattes. Elle se sentait incapable de se mettre debout. La simple idée de tendre ses jambes était une véritable torture. Il fallait bien se lever. Il fallait marcher, sortir, s’enfuir. Elle s’appuya sur ses mains et se redressa en douceur tout en expirant. Chaque muscle était tendu comme une corde d’arbalète prête à tirer. Comme un enfant fait ses premiers pas, Naïta chancela plusieurs fois avant de parvenir à se tenir debout et à avancer de quelques pas mesurés.

    Tout était silencieux. Elle découvrait l’antre de la bête avec stupeur, n’ayant, pour ainsi dire, pas vraiment eu le temps de s’attarder sur cet endroit, avant de s’engouffrer dans sa cachette de fortune. Le lieu n’avait rien d’un nid conventionnel. Rien du confort douillet qu’on peut attendre des plumes d’un nid d’oiseaux ou d’un terrier rempli de mousse et de feuilles. Il ne comportait qu’une énorme pierre creuse qui aurait pu facilement contenir trois ou quatre grands gaillards les uns contre les autres, couchés comme ils étaient dans le ventre de leur mère avant de voir le jour. Les profondes entailles dans la roche grise laissaient penser que l’Azur l’avait façonné de ses propres griffes. L’imposant morceau reposait sur un tas pyramidal de pierres presque toutes de la même taille, arrondies, noires et fumantes.

    Elles ressemblaient à celles que l’on trouvait en grande quantité près des montagnes qui crachaient des rivières de feu. Les méandres incandescents finissaient par calmer leurs ardeurs et par refroidir et durcir pour donner des pierres de feu extrêmement solides et capables de conserver et restituer la chaleur.

    Le maître disait que des créatures semblables à l’Arcane mais mille fois plus gigantesques vivaient dans les profondeurs de la Terre. Déplaçant les montagnes ou les faisant surgir sous leurs crêtes, faisant trembler les sommets à chacun de leur mouvement. Et parfois, n’en pouvant plus d’être prisonniers des gouffres sous la surface, ils crachaient leur feu de colère et leur souffle sulfureux par ces montagnes pour faire entendre leur désespoir. Selon le chaman, même si les humains voyaient ces événements comme de dangereux cataclysmes, cela n’était que de la tristesse et c’est pour cela que l’on nommait ces pierres « Les Larmes de Feu ».

    Mais tout cela était-il vrai ? Quel sens cela pouvait-il bien avoir ? Le maître et ses légendes… Ses belles histoires emplies de merveilles, de symboles et de magie dont elle s'était nourrie. Tout ce temps que Naïta avait passé près de lui à suivre ses enseignements, à boire ses paroles, à appliquer ses conseils à la lettre. Comment pouvait-elle encore croire toutes ces sornettes à présent ? Elle était au fond d’une grotte sombre, jonchée de carcasses puantes, tremblante de froid et de peur, la main gonflée de douleur, couverte de sang séché, évadé d’une plaie béante, ouverte par la lame du seul homme en qui elle avait encore confiance. Tout était allé si vite… Les dernières images de sa conscience tournoyaient en boucle dans sa tête. Y avait-il un moyen de sortir de ce cauchemar ?

    Elle ferma les yeux puis les ouvrit de nouveau comme pour se réveiller d’un mauvais rêve, mais chaque battement de son cœur, chaque résonance du vent dans la caverne, chaque élancement de sa blessure la ramenait inexorablement dans l’effroyable réalité. La réalité d’une peur grandissante bien décidée à être son unique et dernière compagne.

    Il ne résonnait contre la voûte que le grésillement des braises qui couvaient sous le nid des ‘‘Larmes de Feu’’. Une odeur de sang traînait tout autour. Très présente. Des traînées sèches et gelées jonchaient la pierre du sol. Ce devait être celui de l’Azur. Sa blessure ne s’était donc pas refermée ? Peut-être était-il mort… ou parti. Peut-être s’était-il enfui sous d’autres Cieux. Comment savoir ? Le froid gelait tout. Il était difficile de deviner depuis combien de temps ce sang était là.

    En revanche, le quartier de viande fraîche et encore tiède de la proie dont elle avait soigneusement été extirpée et qui trônait sur une grande pierre plate près de la sortie de la caverne, n'était pas là depuis longtemps. Le sang qui la couvrait laissait encore échapper quelques filets de vapeur blanche dans l'air froid qui entrait dans la grotte. Qui d’autre que l’Azur avait pu ramener ce quartier de viande ici ? La bête n’était donc pas si loin. La chair était tranchée avec mille fois plus de finesse et de précision que ne l’aurait fait la meilleure lame aiguisée de l’homme. C’était étrange. Naïta ne pouvait s’empêcher de penser que cette pitance lui était destinée. Elle s'en approcha, la faim au ventre, humant l'odeur du gibier qui, même sanglant lui donna subitement l'eau à la bouche.

    L'eau ! Oui de l'eau. C'était la demande la plus forte que son corps réclamait. Sans plus réfléchir elle se précipita dehors, attirée par l'odeur caractéristique des flocons frais qu'elle sentait déjà depuis sa cachette. Mais une fois à l’extérieur de la grotte, elle fut freinée net dans son élan. Ce qui s’offrait soudain à sa vue, elle ne l’avait pas même envisagé. Elle se trouvait bel et bien dans un nid. La sortie de la caverne était comme celle d’un habitat troglodyte sauf que dans le cas présent, l’oiseau était énorme. Elle se trouvait sur un promontoire suspendu dans le vide. A peine sorti de la montagne, l’Azur devait se jeter dans le creux des nuages pour seulement pouvoir ouvrir ses ailes. La plateforme en demi-lune bordait l’ouverture de la caverne sur toute sa longueur sur une largeur d’à peine quinze pieds. Mais de part et d’autre il n’y avait aucune issue. Aucun moyen de passer vers les sommets, pas même la possibilité d’escalader la roche trop lisse sur les parois de l’entrée. Partout autour c’était le gouffre béant qui empêchait toute échappée. A part s’y jeter, il n’y avait pas d’autres façons de s’enfuir. Quel décor plus grandiose pour disparaître ?!

    Naïta s’agenouilla de désespoir. Dans un profond soupir elle appuya ses mains sur le sol et rampa prudemment jusqu’au rebord pour risquer un regard accablé vers le fond de la vallée qui s’étendait à perte de vue sous des nuages éparses d’où remontait un vent si froid et puissant qu’il lui coupa le souffle. La fillette recula. Elle avait beau être coutumière des gouffres, crevasses et autres précipices, ce qu’elle avait sous les pieds était plus gigantesque que tout ce qu’elle avait pu connaître. Pour la première fois de sa vie, elle ressentait pleinement le vertige face à cette vue époustouflante. Il ne régnait ici que le minéral parsemé d’un peu de glace et rien d’autre. Elle se trouvait bien plus haut que ce qu’elle n’avait jamais connu. Au-delà du profond désarroi que cela lui procura au premier abord, elle ne put pourtant pas s’empêcher d’admirer l’étendue de pics qui l’encerclait d’un côté et s’enfuyaient vers l’horizon de l’autre. C’était magnifique. Les sommets s’habillaient de bleu, de rose et d’orange sur un ciel presque blanc. Le soleil caressait leurs crêtes sans pour autant les réchauffer mais le spectacle était majestueux. D’ici on aurait presque pu toucher le ciel. Naïta était sans conteste sur le dôme de la Terre. Elle réalisait qu’elle se trouvait sûrement au cœur des cimes les plus haute des ‘‘Dents de l’Azur’’.

    Là-bas, très loin sous la brume matinale, devait se trouver la cité. Le cœur de l’enfant se serra. Elle avait beau se retrouver ici, dans un état pitoyable et les avoir tous maudits jusqu’au dernier, elle se surprenait à regretter de ne pas être dans la chaleur du foyer près de sa mère qui lui aurait servi un thé brûlant et des galettes garnies de lait caillé, ou encore de se trouver dans la cour du temple à écouter les enseignements du maître, dans la douceur des premiers rayons matinaux perçants la brume.

    Tout cela était si loin… tout cela était perdu. C’est à la chaleur de ses larmes coulant le long de son visage rougi par le froid, que Naïta pris conscience qu’elle pleurait. Elle pleurait sur tout ce qu’elle ne pourrait jamais retrouver, sur le sort incertain qui était le sien avec une envie irrépressible de hurler, d’appeler à l’aide. Mais sans la conviction d’être entendue, elle ravala sa plainte autant que ses sanglots. Elle se retourna vers un amas de neige près de la paroi de la caverne et s’en alla y plonger ses mains tremblantes pour croquer dans une poignée de poudre glacée, toute fraîche de la dernière nuit. Le froid lui arracha des gémissements de douleur, tant sur sa blessure à la paume qu’aux gerçures qui fendaient ses lèvres, mais elle ne s’arrêta pas pour autant. Lorsqu’elle eut étanché sa soif elle se releva et, non sans un dernier regard vers l’impressionnante vallée, elle retourna dans la caverne.

    Là au moins elle était à l’abri du vent et du froid. D’instinct elle s’avança vers le monticule de pierres noires. De cet amas s’échappait une douce chaleur venue d’on ne sait où mais peu lui importait. L'enfant tendit ses bras vers la source bienfaisante. Plus elle s’approchait, plus l’air semblait se réchauffer. Une fois tout près des pierres qui constituaient la base de ce drôle de mamelon rocheux, Naïta s’aperçut qu’elles étaient presque brûlantes. Elle effleura la surface de l’une d’elle pour le vérifier. Oui ! C’était une chaleur rayonnante qui paraissait venir du cœur même des pierres rondes. C’est alors que la fillette eu une idée. Elle sorti son poignard de sa veste, où bien heureusement pour elle il était resté accroché, puis se dirigea vers le morceau de viande saignante pour en découper une belle tranche. Elle la ramena sur l’une des pierres. Aussitôt, la chair grésilla, suintant le sang frais, cuisant aussi bien et vite que sur les plaques de fonte léchées par les flammes du foyer de sa maison. De la pointe de son arme, elle retourna la tranche, la laissant ruisseler encore un peu de son jus devenu fumant. Alors elle piqua le morceau de sa lame et y mordit à pleine dent, déchiquetant, mastiquant la viande à peine cuite et encore saignante dont le jus coulait au coin de sa bouche et qu’elle essuya d’un revers de manche en oubliant ses lèvres gercées. Elle tenta de se refréner, de manger plus lentement pour palier au jeûne forcé que sa prison minérale lui avait imposé, mais elle n’y parvint pas. En quelques minutes, elle avait englouti sa pitance, toussant et frappant sa poitrine du poing pour l’aider à descendre.

    Doucement les forces lui revenaient. Tout du moins un peu plus d’assurance pour marcher et un peu plus de lucidité dans ses mouvements et sa vision. Elle arracha de son écharpe de lin un petit lambeau qu’elle plongea dans la neige, puis le ramena sur les pierres chaudes. Une fois trempé et brûlant, Naïta le posa sans ménagement au creux de sa main blessée. Le premier contact lui arracha un hurlement qui résonna en écho sur le plafond de la grotte encore longtemps après qu’il se soit éteint dans sa gorge. Ce n'était pourtant rien qu'un linge imbibé d'eau chaude. Tout doucement, en gémissant recroquevillée sur sa main, la fillette nettoyait la plaie de sa croûte de sang séché mêlé de terre et d'éclats de roche sur laquelle elle s'était traînée. A plusieurs reprise elle retourna chercher de la neige pour en imprégner le linge qu'elle replaçait sur les pierres et faisait couler le liquide chaud sur sa blessure. Peu à peu, l'entaille profonde fut mise à jour. Elle n'était pas large, fort heureusement car de toute manière, Naïta n'avait rien avec elle pour lui permettre de recoudre les chairs. Et quand bien même, elle en aurait été incapable.

    Son idée était tout autre. Sans vraiment savoir si cela changerait quelque chose et sans plus réfléchir elle serra les dents et apposa sa paume ouverte sur l'une des pierres pour cautériser la plaie. La douleur insoutenable fut à la hauteur de ce à quoi elle s'attendait. Elle poussa un cri rauque à demi étouffé dans sa mâchoire crispée. C'était comme s'ouvrir la main une seconde fois. Elle devait pourtant s'y tenir encore quelques secondes, alors que s'échappait de ses lèvres le râle guttural d'une bête à l'agonie. De sa main valide et tremblante, elle agrippa le poignet de l'autre comme si celle ci ne voulait plus se décoller de la roche. Les larmes coulaient de nouveau d'elles même sur ses joues mais elle n'y prêtait pas attention. Sa paume n'était pas belle à voir mais au moins elle était nettoyée. En quelque sorte ! Elle arracha de nouveau un bout de linge de sa chemise et l'enroula autour de sa main avant de le nouer, à la force de ses doigts et de ses dents, autour du poignet. A peine soulagée, elle se laissa choir près des pierres chaudes, s'essuyant le visage avec le linge humide et tiède qu'elle avait gardé sur l'épaule.

    Elle resta ainsi prostrée quelques instants ou quelques heures, somnolant malgré elle, de ce trop plein de souffrance à peine évanouie. Lorsqu'un bruit la fit sursauter. Elle ouvrit les yeux et figea son regard vers l'entrée de la caverne. L'Azur revenait ? Plus rien. Peut-être était-ce simplement un aigle ou autre rapace qui passait par là. De nouveau le silence. Naïta se releva. La tête lui tournait et elle avait soudain sommeil. Terriblement sommeil. Elle chercha sans conviction autour d'elle un recoin de la grotte où elle aurait pu se lover mais rien n'était attirant. Tout était dur et froid, et malgré la menace du retour de la bête, elle n'avait aucune envie de se terrer de nouveau dans son goulot de pierre gelée.

    Elle entreprit de faire le tour du monticule pour y trouver quelque brèche ou encore une autre cachette un peu plus confortable. Elle ne trouva rien mais cette pyramide de roches était étrange et elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il y avait en haut. La grande pierre creuse qui en constituait le sommet attisa sa curiosité. Après en avoir fait trois fois le tour, Naïta enroula le linge humide sur sa seconde main et entama l'ascension de ce tertre insolite. Ses souliers de cuir soutenaient la chaleur mais elle dut changer de prise rapidement pour ne pas se brûler les doigts. Plus elle grimpait, plus la chaleur s'atténuait, se faisant douce, diffuse et rayonnante. La fillette retrouvait un peu de son agilité et d'assurance. Le haut de ce tas de pierres était presque à sa portée et curieusement elle se sentait bien en le gravissant. En posant ses mains bandées sur le rebord de la pierre creuse pour se hisser dessus, elle se sentit comme un petit insecte sur le pourtour d'une écuelle. Mais la taille de ce nid n'avait rien de surprenant au regard de ce qui s'y trouvait. Naïta en fut si surprise qu'elle laissa échapper un hoquet d'étonnement et tomba à la renverse dans le creux de la pierre. Elle roula sur ses parois lissées, et atterri sur les fesses en glissade.

    La chute n'avait pas été trop douloureuse mais la pierre était plus profonde qu'elle ne l'avait estimé et, à première vue, il semblait difficile de pouvoir en ressortir. Cette perspective l'aurait moins inquiétée si elle s'était trouvée seule dans ce bol de roche tiède. Seulement ce qui l'avait tant stupéfaite en entraînant sa chute se trouvait devant elle. Il faisait environ deux fois la taille de la fillette, la surface moirée de lignes courbes, ondoyantes, blanches et bleutées comme les lambeaux de brume qui cernaient sans cesse le corps de l'Azur. Rayonnant de chaleur et de vie, comme si Naïta avait pu entendre battre un cœur en son sein.

    C'était un œuf. Un œuf d'Arcane.

     

    à suivre...

    L'héritage de l'Azur : Chapitre XVI

     

     

     

     

     

    Oeuf d'Arcane.

     

     


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