• L'héritage de l'Azur : Chapitre XVIII


    Lorsqu'un matin dans les montagnes les plus hautes de ce monde, la petite Naïta quitte la légendaire cité des nuages pour rencontrer son avenir à la pointe du Destin, elle voit venir beaucoup plus qu'une enfant comme elle aurait pu espérer. Mais est-ce le cadeau d'une vie, ou la pire des malédictions qui se présente à elle ce jour là?

      

    L'héritage de l'Azur ©

        

    Le jour déclinait doucement. La caverne s'assombrissait dans le même temps malgré quelques lueurs de flammes vacillantes que Naïta avait installées un peu partout. Des lampes de fortunes telles que des crânes d'animaux dans lesquels elle avait placé de la graisse puis plongé des mèches de coton arrachées à ses sous vêtements. Les ombres qu'elles projetaient sur les parois de l'immense grotte créaient une atmosphère que n'importe quel être vivant aurait trouvée effrayante. Mais l'enfant y était habituée.

    Elle avait remisé des tranches de viandes qu'elle avait fait sécher près du nid durant plusieurs jours pour les fumer. Le résultat n'était pas aussi probant que pour celles que sa mère faisait mais ce n'était pas mauvais et cela lui évitait de manger cru tous les jours. Ce qui lui manquait le plus c'était les galettes de blé et le fromage de lait caillé des chèvres et brebis du troupeau. Ou encore le poisson grillé que l'on ramenait parfois du grand torrent sous la cité, ou bien encore les œufs de caille et les volailles grillées au feu de bois pour les grandes occasions.

    Tous ces souvenirs lui donnaient l'eau à la bouche. Suivie de Lung elle s'installa sur la plateforme pour voir le soleil disparaître tout en faisant scintiller les premières étoiles à l'Est, déjà rattrapé par la cape de la nuit. Son frère d'écailles près d'elle, Naïta ne pouvait s'empêcher de guetter l'horizon avec l'espoir que l'Azur revienne enfin.

    Cela faisait plus de dix jours qu'il n'était pas reparu. Ils ne manquaient pas de nourriture pour le moment, mais ils manquaient de leur mère. Comme deux oisillons abandonnés à leur sort. Trop jeunes pour s'élancer du haut du nid, trop dépendants de cette seule créature capable de prendre l'air, le ciel au creux de ses ailes. Capable de prendre le chemin de l'inconnu, de ce vaste monde, là-bas, au-delà de la caverne, au-delà des frontières rassurantes, pour aller leur chercher de quoi subsister, de quoi grandir. Et ensuite ?

    Naïta n'avait toujours pas de réponse. Tout comme Lung, elle avait besoin que l'Azur revienne, mais quitterait-elle un jour cette caverne ? Même si leur mère réapparaissait, sa vie ne changerait pas pour autant. Elle avait essayé de parler à l'Azur. Plusieurs fois elle lui avait demandé comment partir, et si il pouvait l'aider à sortir de cette caverne, de cette prison. Mais la créature s'était chaque fois redressée en la fixant de son œil glacé puis s'était détournée d'elle. Chaque fois, Lung était venu se lover contre elle et lorsque Naïta répondait à sa caresse d'écailles en y posant une main, les mêmes images s'imposaient à son esprit.

    Elle sombrait quelques secondes dans ses pensées, se laissant absorber totalement par ce que Lung lui donnait à ressentir. C'était chaque fois inévitable. Ses yeux bleus se confondaient avec ceux fendus de son frère, un enfant grandissait dans le ventre de sa mère, se transformant en petit Arcane rougissant dans une bulle d'eau tiède et douce, deux jeunes pousses, à peine sorties de terre s’entrelaçaient l'une à l'autre jusqu'à donner un seul et même arbre gigantesque au tronc torsadé, un stalactite et un stalagmite se rejoignant pour sceller leur union sur une ultime goutte millénaire.

    Les visions étaient toujours similaires. Lorsque Naïta pensait partir ou retrouver la cité un beau jour, l'arbre torsadé mourait foudroyé d'un éclair, divisé en deux troncs noircis et sans vie, deux bébés identiques, couchés l'un près de l'autre, se mettaient à hurler quand leurs mains se séparaient jusqu'à ce que toute lueur disparaisse autour d'eux et que leurs voix s'éteignent, enfin elle voyait ses yeux se distinguer de ceux de Lung avant qu'une paupière se referme sur chacun, ne laissant place qu'à l'obscurité vertigineuse et l'absence de toute sensation de vie.

    Même si elle ne comprenait pas vraiment ces images qui s'imposaient à son esprit elle avait une vague idée de leur signification. Ce qu'elle ignorait c'est si Lung lui parlait à travers ces chimères ou si il y était soumis tout comme elle.

    La fillette se posait cette question lorsque Lung se redressa près d'elle. Elle tourna son regard d'instinct dans la même direction que lui et aperçu la ligne noire caractéristique de l'Azur sur l'horizon. C'était lui. Il revenait vers le nid. Il revenait mais quelque chose n'allait pas.

    Naïta fronçât les sourcils et se leva. Lung recula avec elle, s'éloignant de la bordure de la corniche pour laisser leur mère s'y poser. Au loin, l'Azur semblait voler en tremblant, sa tête se relâchait brutalement, il battait l'air froid de ses larges ailes pour reprendre de l'altitude, secouait sa crinière relâchant des lambeaux de brume déchiquetée autour de lui. Elle se détachait de son corps comme pour l'abandonner et, plus il s'approchait du nid, plus il semblait se décomposer.

    Naïta pris peur. Lung sentant son angoisse poussa un gémissement strident qui serra encore plus le cœur de la fillette. Ils étaient impuissants tous deux, bloqués là au bord du précipice à espérer que leur mère atteigne le nid avant de s'effondrer dans l'abîme de nuages. Naïta se rapprochât du bord de la corniche tendant ses bras comme pour lui venir en aide. Cela ne servait à rien mais elle ne pouvait pas rester là sans agir.

    Elle cria presque sans y penser. « Mà !! »

    Son cri lui fit mal, tant aucun son n'avait franchi ses lèvres depuis trop longtemps. Dans un ultime effort et avec une maladresse inhabituelle, l'Azur battit des ailes encore une fois pour se hisser jusqu'à la plateforme en hurlant de rage. Oui, Lung et Naïta entendirent cette rage qui lui venait tout droit de cette blessure, plus ouverte et douloureuse que jamais sous son encolure, d'où le sang poisseux et carmin n'avait jamais cessé de couler.

    Le monstre atterrit en force désespérée, s’agrippant à la roche en surplomb, en arrachant une partie au passage de ses puissantes griffes. Il réussit à entrer dans la caverne, non en restant dressé sur ses pattes arrières comme à l'accoutumée, mais en rampant, les crocs serrés et les ailes fébriles. Il tremblait de toutes ses écailles et son corps gigantesque dégageait une chaleur inhabituelle, plus forte, plus dense, presque palpable et à la senteur de pin brûlé mélangé à une odeur de charogne. L'Azur sentait la mort.

    On le suivait à la trace, marchant dans la traînée de sang qu'il laissait derrière lui. En voyant la quantité de liquide vital qui s'échappait sans discontinuer de leur mère, Naïta senti la peur et l'angoisse l'étreindre encore plus. C'était sans espoir. On le sentait à bout de force. Il tentât de se redresser quelques secondes puis s’écroulât de tout son poids sur la pierre sombre de la caverne. Naïta laissa échapper un sanglot tant elle ressentait la douleur qui émanait de leur mère. Lung se réfugia contre la fillette en gémissant. Tous deux voulaient s'approcher mais sans oser, ne sachant que faire.

    Il n'y avait rien à faire, ils le savaient, le sentaient, et c'était cela qui comprimait leur poitrine et les tétanisait sur place, incapables de faire quoique ce soit. Et puis, même si l'Azur était leur protecteur, il n'en était pas moins redoutable et redouté. Même Lung restait à distance. Faisant quelques pas vers sa mère et reculant tout autant.

    A bout de doutes et de désespoir, Naïta s’approchât du long cou coiffé de crinière de l'Arcane qui semblait suffoquer. Mais lorsqu'elle fut presque à le toucher, le dieu du Ciel poussa un long grognement en tournant sa gueule serrée de crocs vers elle. L'enfant serra ses mains contre sa poitrine et senti les larmes monter à ses yeux. Elle le regarda sans peur mais avec tristesse. Ce n'était qu'un animal blessé, qui comme n'importe quelle autre bête sauvage aux abois, ne voulait pas qu'on le touche. Naïta sentait bien qu'il n'y avait rien d'agressif dans la réaction de leur mère. L'Azur ne souhaitait pas qu'on l'approche ni qu'on le frôle car il savait qu'il allait mourir et que rien ne changerait cette réalité.

    C'était un effort de dissuasion. Pourtant, la créature de brume la fixa de son grand œil, ouvert sur un ciel en déclin. La nuit l'envahissait peu à peu. Son souffle se régulait lentement, ralentissant de plus en plus à chaque seconde. Naïta sentit une grande douleur dans sa poitrine, et le chagrin lui serra la gorge. Elle pleurait maintenant à chaudes larmes, se sentant un peu plus abandonnée à chaque seconde que le temps semblait encore leur accorder comme pour se délecter de la souffrance, des soupirs et des râles qui résonnaient dans la caverne.

    Lung finit par se rapprocher de la gueule de sa mère. L'Azur ne bougea pas cette fois, se laissant humer par sa progéniture inquiète. Naïta vit alors les fumerolles autour de ses cornes, se détacher lentement pour glisser de ses écailles vers celles du petit dieu.

    Le jour touchait à sa fin, tout était sombre à présent dans le nid. Seul l’œil de l'Azur brillait encore, reflétant une lueur irréelle. Lung toucha de son museau la gueule de sa mère. Naïta fit quelques pas posant discrètement sa main sur le flanc de son frère. Elle n'eut pas le temps de prendre peur ou de reculer. Les lambeaux de brouillard qui habillaient le monstre s'enlaçaient avec grâce autour de Lung et la fillette perçut très vite les mêmes visions qui l'atteignaient lorsqu'elle entrait en contact avec lui. Certaines évidentes puis soudain de nouvelles qu'elle connaissait pourtant pour les avoir vues en songe ainsi que dans sa cellule au fond des geôles du temple de la cité. L'Azur en compagnie de son congénère des mers sur le rocher aux pieds des falaises battues par la tempête, les larmes de feu, la femme au visage empli de tant de douceur, vêtue de blanc, coiffée d'or et portant un serpent de plumes autour des épaules. Avec ses cheveux de jais et ses yeux d'un bleu si pur, elle ressemblait tant à Naïta. Elle souriait puis s’effaçait laissant place au grand mur de glace que la fillette avait vu en rêve. Ce mur gravé d'un signe similaire à celui qui ornait son médaillon perdu. Puis des nuages, encore des nuages, un vol au-dessus de la mer infinie de brume, vers le soleil levant, entre les pics rocheux couverts de neiges éternelles.

    Tout se brouilla tout à coup. Lung avait rompu le contact avec sa mère. Naïta compris à l'échange de leurs regards, leur attitudes et ce qu'elle venait de voir... Tous les souvenirs et connaissances de l'Azur venait d'être transmis à Lung.

    Comprenant d'autant plus ce que cela signifiait, l'enfant ne put plus retenir ses sanglots et s’approchât de la bête, posant ses mains sur son flanc, laissant couler ses larmes sur les écailles assombries. Le monstre ne bougea pas cette fois, se contentant d'un long soupir, comme un dernier souffle rendu au monde des vivants.

    Naïta était incapable de prononcer un seul mot mais elle savait bien que ses pensées étaient perçues par leur mère. Elle lui demandait de rester, lui disant qu'il ne pouvait pas mourir, qu'il n'avait pas le droit de les abandonner. Qu'allaient-ils devenir Lung et elle ?

    Semblant vouloir répondre à ses craintes, l'Azur grogna doucement se tordant le cou vers elle. Naïta recula, le laissant glisser son museau sous son aile. Atteignant de ses crocs acérés sa blessure au dessus de son poitrail, il en arracha avec ses dernières forces, plusieurs écailles. Naïta étouffa un cri dans le creux de ses mains, tombant à genou. Elle ressentait à présent la douleur que le monstre s'infligeait. Pourquoi ? Les écailles tombèrent au sol une à une. Le sang s'écoula de plus belle hors de la blessure béante. L'Azur tourna son regard vers la fillette.

    Naïta secoua la tête, les yeux embués. C'était impossible. Le sang... Oui le sang. Il fallait le prendre, le garder, le conserver, le boire si besoin. Elle le lisait dans les yeux de leur mère. C'était son dernier présent avant de partir. Un gage de survie, de guérison. Mais...

    L'Azur la pressa d'un nouveau grognement sourd. Lung se tourna vers elle lui aussi, appuyant l'insistance de sa mère. La fillette se surprenait à si bien cerner les paroles absentes de ces deux animaux légendaires, et pourtant bien réels aujourd'hui devant elle. Elle rechignait à s’exécuter tant la tâche, si invraisemblable et cruelle, lui semblait douloureuse. Malgré tout, elle se précipita vers le nid où elle entreposait quelques bols façonnés dans des crânes de bharals. Elle revint aussi vite vers l'Azur et les remplit de son sang pourpre, épais et chaud. Quatre ou cinq à ras bord qu'elle reposât plus loin.

    L'Azur semblait satisfait, reposant sa tête au sol, il semblât s'assoupir, fermant ses yeux d'épuisement. Naïta se colla à son frère de sang et de brume qui l'entourait à présent de plus en plus, lorsqu'elle vit l’œil de leur mère se rouvrir sur elle pour la fixer, presque comme il l'avait scrutée sous la pointe du Destin lors de leur première rencontre.

    A l'instant où la fillette cherchait à percevoir les images, les visions que l'Azur lui renvoyait, celui-ci ouvrit la gueule et Naïta vit miroiter le temps d'un éclair, un petit objet pris entre les dents du monstre. En confiance désormais, elle s’avançât vers cette mâchoire béante qui l'attendait. Elle reconnut son médaillon de cinabre qu'elle pensait perdu à jamais après son arrivée dans le nid. Elle se pencha pour s'en saisir et une fois dans sa main, elle crut sentir un choc dans sa poitrine, si fort, si puissant, qu'elle en tomba à la renverse. Durant quelques instants elle fut dans les airs. Volant vers la pointe du Destin, recouverte de neige. Au bout du rocher suspendu dans le vide se tenait le Chamàn. Une fois tout près de lui, à presque le toucher, il levait les yeux vers Naïta, lui tendant le médaillon. Tout devint sombre et la fillette ouvrit les yeux. Assise sur le sol froid de la caverne. Elle posa son regard sur l'Azur.

    Ainsi c'était cela. C'était le Chamàn qui avait rendu le médaillon à l'Arcane. C'était lui qui l'avait attendu durant des jours pour le lui remettre, afin de la sauver peut-être. Peu importe. L'Azur voulait qu'elle le voit, qu'elle le sache. Naïta prenait conscience que la créature la voulait elle, avec ce bijou, que cela était important pour elle. Pourquoi, elle l'ignorait.

    Ce qui était insurmontable à présent c'était de savoir que cet être fabuleux allait s'éteindre. Ses sentiments devenaient confus. L'enfant avait la sensation de perdre sa propre mère.

    Le monstre s'étiolait lui même en une multitude de fumerolles, il ne naissait plus d'elles, elles naissaient de lui tout autant qu'elles lui ôtaient la vie en l'altérant ? Le faisant doucement disparaître comme si il n'avait jamais été. Le nuage de brume épaisse s'amplifiait et prenait la forme de l'Azur à mesure qu'il lui ôtait son existence.

    Naïta se releva près de Lung, tenant son médaillon contre sa poitrine où elle le sentait la réchauffer. La fillette pleurait à chaudes larmes. De chagrin, d'amour perdu et aussi de désespoir. L'Arcane n'était plus. Il était redevenu éther, léger, transparent, invisible. Dieu du Ciel, gardien du domaine des Ases, irréel, mythique comme on l'avait toujours cru chez les habitants de la cité des nuages. Comment allait elle s'en sortir seule avec Lung ? Comment allaient ils sortir ? Tout simplement.

    Mais alors qu'elle se posait cette question de survie au beau milieu de ses pleurs, le nuage s’enroulât sur lui même comme un long serpent puis longea lentement la paroi de la caverne. Se frottant, se caressant presque à la roche sombre quand soudain, les volutes semblèrent se glisser dans une anfractuosité, comme aspirées par une trouée vers un air différent et lointain.

    Naïta, voyant l'émanation se dérouler de plus en plus vite pour s'engouffrer dans cette ouverture jusqu'ici jamais décelée, se précipita à sa suite pour qu'il ne lui échappe pas.

    Là, la pierre formait une sorte de paravent devant un autre pan de roche, ce qui rendait l'ouverture presque invisible. En y posant ses mains pour en faire le tour et se glisser entre les deux parois, Naïta se demanda comment elle avait fait pour ne jamais s’apercevoir de cela. Les blocs se superposant l'un à l'autre en deux murs parallèles, se trouvaient tant identiques, qu'ils formaient un parfait trompe l’œil, où que l'on se trouve dans la caverne. La fillette n'en croyait pas ses yeux, oubliant pour un instant toute sa peine.

    Les derniers méandres de fumée blanche lui caressaient les doigts et le visage, comme pour mieux l'inviter à suivre le chemin qu'ils prenaient. Vers quoi allaient-ils ? Jusqu'où ce passage menait-il ? Lung se glissa derrière elle, il avait juste assez d'espace pour pouvoir se faufiler le long des rochers sombres. Rassurée de le sentir derrière elle, Naïta n’hésitât plus et se précipita à la suite du serpent de brume. L'Azur était en train de disparaître pour de bon, leur mère s'en allait mais avant cela, elle leur montrait le chemin vers une nouvelle liberté.

    La fillette séchait ses larmes du revers de sa manche tout en poursuivant ce fantôme brumeux à travers le boyau de pierre. Le chemin tortueux lui parut interminable. Escaladant parfois les rochers glissants, manquant de tomber ou encore de coincer son pied dans une fissure traîtresse, s'agrippant de toutes ses forces restantes pour atteindre le sommet de ce qui semblait être un ancien éboulement dans une galerie creusée, ou un gouffre investit comme passage vers cette grotte immense où elle avait passé des lunes entières à se demander ce qu'elle pouvait encore attendre de l'existence.

    Et à présent, voilà qu'elle sentait l'air arriver jusqu’à elle. Une odeur de neige tout comme sur la corniche devant la caverne, mais aussi un parfum de terre, de bois, d'animaux, de poils et de plumes.

    Elle accéléra le rythme de son ascension, se sentant approcher de son but, suivant le serpent de brume, s'assurant de la progression de Lung derrière elle. Elle sortit enfin de terre au milieu d'un îlot de blocs recouverts de neige. Reprenant son souffle, elle balayât du regard le désert blanc et noir qui l'entourait. Faisant quelques pas vers le vide au-dessus duquel le reptile nébuleux s'était suspendu, Naïta aperçu en contre bas le promontoire de l'antre d'où ils étaient sortis.

    De l'autre côté, la montagne se poursuivait vers d'autres sommets encore plus hauts, dans les neiges éternelles éclairées de bleu par un croissant de lune si fin qu'on l'aurait cru ciselé dans le ciel d'encre par la griffe de l'Arcane.

    Celui-là même qui en ce moment se déroulait dans l'air pour prendre une autre forme. Lung et Naïta se tournèrent ensemble vers lui. La spirale brumeuse se fit plus dense jusqu'à se recroqueviller sur elle même et former devant eux la gueule de l'Azur, puis ses yeux et ses cornes. Les larmes coulèrent de nouveau le long des joues froides de la fillette. Lung restait silencieux mais sa présence était de plus en plus puissante à ses côtés.

    La tête de fumée ouvrit lentement sa large mâchoire de vapeurs et lançât sur eux un long souffle chaud et doux qui durât assez longtemps pour leur faire oublier l'hiver et le froid de cette nuit teintée de tristesse.

    Alors qu'ils gardaient sur eux la dernière trace de cet adieu empreint d'amour, la brume s'étira et se dispersa dans le ciel étoilé jusqu'à disparaître totalement. Les yeux rivés sur la voûte céleste, Naïta sursauta légèrement à l'approche de Lung qui vint se frotter contre son bras. Elle le caressa, encore pétrie de chagrin, mais heureuse malgré tout au fond d'elle même, de ne pas avoir été abandonnée à son sort.

    Ils avaient trouvé une sortie. Un chemin vers un nouvel avenir. L'Azur ne les avait pas laissés seuls. Il leur avait laissé l'opportunité de vivre à l'abri et de pouvoir sortir par ce passage secret. Dissimulé aux yeux non aguerris.

    Naïta regarda de nouveau vers les étoiles avec Lung et remercia le Ciel. Elle remercia l'Azur, leur mère, serrant contre elle le médaillon de Cinabre et se lovant contre son frère d'écailles, désormais son seul compagnon, sa seule famille.

     

    à suivre...

    L'héritage de l'Azur : Chapitre XVIII

     

     

     

     

    ... on l'aurait cru ciselé dans le ciel d'encre par la griffe de l'Arcane.

     

     


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